L’écho du chant des coqs

Traduit par Amaia Cabranes et Sabine Tinchant Benrahho

Elle prend son fils Yeyo, l’enveloppe dans son écharpe et l’installe sur son dos. Elle met sur la table deux vêtements de rechange, son peigne, le talc de l’enfant, un tube de crème pour le visage, une paire de chaussures aux semelles trouées – elle pense qu’elle pourra les faire réparer à son arrivée -, une enveloppe avec des photographies et quelques morceaux de tee-shirts qu’elle a transformés en couches. Sur une couverture elle met un sac avec une poignée de sel,  des pishtones[1]qu’elle a préparés le matin même et le dernier bout de fromage sec qui lui reste. Une tête d’ail, deux citrons, et quelques feuilles de menthe sauvage au cas où elle aurait mal au cœur. Elle remplit d’eau une bouteille en plastique d’un demi-litre. Elle dépose tout sur la nappe et l’attache en guise de besace qu’elle accroche à son épaule. Elle s’accroche à l’autre épaule un sac en bandoulière avec Papayo – le chien qu’elle a récupéré à la décharge à peine quelques jours après sa naissance. Elle ferme la porte à clé et part sans regarder derrière elle.

Maura, à bout de souffle, arrive en courant auprès d’elle, l’embrasse et lui donne un sac avec des jocotes[2] rouges  de février, des mangues qui commencent à peine à mûrir et cent quetzales[3], toutes ses économies, pour aider à l’achat du billet– lui dit-elle en l’embrassant et en pleurant à chaudes larmes, ce sont des amies de toujours. Isaura lui demande de s’occuper de sa petite maison en pisé, de ses plantes de coriandre et du tamarinier qu’elle a réussi à faire pousser. Il est quatre heures du matin, elle monte dans le bus et s’éloigne de Teculután, Zacapa, sa ville natale. Derrière elle, de plus en plus loin, reste l’écho du chant des coqs et l’odeur du lait fraîchement trait. Elle ne le sait pas mais elle n’y retournera plus jamais. Ce sera Yeyo, trente ans plus tard, qui rentrera pour déposer les cendres de sa mère dans le cimentière, à côté de celles de ses grands-parents, pour s’occuper de la petite maison en pisé, des plantes de coriandre et pour se reposer à l’ombre du tamarinier à côté des petits-enfants de Papayo. 


[1] Pishtón : au Guatemala galette (tortilla) épaisse de farine de maïs

[2] Jocote du nahuatl xocotl. Fruit du Jocote (Spondias purpurea), arbre américain des régions tropicales. Le fruit est aussi connu sous le nom ciruela de huesito (« prune au petit noyau »).

[3] Quetzal : unité monétaire du Guatemala. C’est le nom d’un oiseau des forêts d’Amérique central au plumage brillant, vert et rouge mis particulièrement à l’honneur dans les cultures mésoaméricaines.

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Ilka Oliva-Corado @ilkaolivacorado

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